Dans l’espace OHADA, il est fréquent d’entendre ou de lire que des fondateurs de petites et moyennes entreprises, souvent organisées sous forme de SARL (Société à Responsabilité Limitée), se désignent eux-mêmes ou sont appelés « PDG ». Si cette pratique semble flatteuse ou valorisante dans l’imaginaire collectif, elle est juridiquement inexacte et contraire aux dispositions de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE. Il est donc important de rappeler ce que dit le droit pour éclairer les entrepreneurs et promouvoir une culture juridique rigoureuse dans le monde des affaires africain.1.

Le titre de PDG : réservé aux sociétés anonymes (SA)

Dans le système OHADA, la fonction de Président Directeur Général (PDG) est strictement encadrée et réservée aux sociétés anonymes (SA). En effet, selon l’article 438 de l’Acte Uniforme OHADA :

« La société anonyme est dirigée par un conseil d’administration comprenant un président et éventuellement un directeur général. Les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général peuvent être exercées par une seule et même personne. »

Lorsque ces deux fonctions sont réunies, on parle de PDG, c’est-à-dire celui qui préside le conseil d’administration et assure la direction générale de la société.

Or, la SARL ne connaît ni conseil d’administration, ni président-directeur général. Elle est administrée selon un autre mode de gouvernance.

2. La SARL est dirigée par un Gérant, et non un PDG

L’article 309 de l’Acte Uniforme OHADA est clair à ce sujet :

« La société à responsabilité limitée est administrée par une ou plusieurs personnes physiques, associées ou non, dénommées gérants. »

Cela signifie que la loi reconnaît le gérant comme le seul dirigeant légal de la SARL. Même si le gérant est aussi le fondateur ou l’associé majoritaire, son titre officiel demeure “gérant” ou “associé-gérant”. Utiliser un autre titre comme “PDG” n’a aucune valeur juridique dans ce type de société.

3. Les risques juridiques d’une confusion volontaire ou involontaire

Employer le titre de PDG alors que l’on dirige une SARL peut prêter à confusion et entraîner :

  • Des malentendus contractuels ou administratifs,
  • Une remise en cause de la validité d’actes juridiques, si l’identité du représentant légal est mal définie,
  • Une responsabilité personnelle du dirigeant pour avoir usurpé un titre non reconnu par la loi applicable à sa société.

De plus, cette confusion peut créer une perception erronée du niveau de structuration de l’entreprise auprès des partenaires, des institutions financières ou de l’administration fiscale.

4. Le fondateur d’une SARL peut-il tout de même se valoriser ?

Oui, bien entendu. Il est tout à fait possible pour un entrepreneur d’indiquer sur ses documents officiels ou supports de communication des titres à valeur explicative ou honorifique, tant que ceux-ci ne violent pas les textes de l’OHADA.

Par exemple, les titres suivants sont parfaitement légitimes :

  • Fondateur & Gérant de [Nom de l’entreprise]
  • Gérant Associé de [Nom de la SARL]
  • Créateur d’entreprise – Gérant de [Nom de la société]

Ces formulations valorisent le rôle de l’entrepreneur tout en respectant le cadre juridique applicable.

5. Conclusion : promouvoir une culture juridique saine

Dans un contexte où l’initiative privée se développe rapidement en Afrique, notamment en Guinée, il est impératif que les dirigeants d’entreprise s’approprient les bases du droit des sociétés pour agir en conformité avec les textes. L’usage abusif du titre de « PDG » dans une SARL n’est pas une simple erreur de langage : c’est une violation de la structure juridique prévue par l’Acte Uniforme OHADA.

Il appartient aux professionnels du droit, aux chambres de commerce, aux incubateurs et aux médias de sensibiliser sur ces questions pour garantir une gouvernance d’entreprise responsable, transparente et conforme à la loi.

Références juridiques :

  • Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE (2014)
    Articles 309 à 317 (Gérance de la SARL)
    Articles 438 à 470 (Direction des SA).
Eugène Capi BALAMOU, juriste diplômé d’un master 1 en droit privé des affaires.
Entrepreneur. 
Tel : 622-29-88-02